Cibler le problème génétique au coeur de la dystrophie myotonique
Sophie Lorenzo
29 novembre 2024
Le Québec a la distinction d’avoir une concentration particulièrement élevée de maladies rares. Selon le Ministère de la santé, près de 700 000 québécois seraient atteints ou porteurs d’une maladie rare, dont 80% sont génétiques.
Parmi ces maladies rares surreprésentées au pays, on trouve la dystrophie myotonique. Au Saguenay-Lac-St-Jean, 1 personne sur 500 est touchée comparativement à 1 sur 8 000 ailleurs dans le monde.
C’est pour cela que le travail entrepris au Neuro, tant en laboratoire qu’au niveau des essais cliniques, est si important. Bien que les avancées puissent bénéficier à des patients à travers le monde, ce sont les québécois et québécoises qui sont le plus durement touchés et qui en ont besoin le plus.
Trouble multigénérationnel
La dystrophie myotonique est une maladie génétique héréditaire qui peut toucher des personnes de tous âges, le plus souvent diagnostiquées au début de la vingtaine. Dystrophie musculaire Canada explique qu’elle est caractérisée principalement par une atrophie progressive et une faiblesse des muscles des bras, des jambes, de la déglutition et de la respiration, ainsi que par une myotonie – une difficulté à relâcher un muscle après avoir accompli un mouvement.
« C’est très variable d’une personne à l’autre, mais cela peut être gravement handicapant. Les patients peuvent rencontrer des difficultés à marcher et éventuellement à se nourrir ou à se laver. Ils peuvent avoir des troubles d’élocution, ce qui complique la communication. Ils ont de la difficulté à avaler, ce qui peut entraîner un étouffement, des infections pulmonaires ou une perte de poids », explique la Dre Erin O’Ferrall, neurologue s et l’une des cliniciennes-chercheuses pour les études neuromusculaires au Neuro (Institut-hôpital neurologique de Montréal).
La dystrophie myotonique comprend également des effets multi-systémiques : elle peut affecter la glande thyroïde, provoquer la résistance à l’insuline et diabète , des arythmies cardiaques, des cataractes, des problèmes de fertilité, voire des déficiences intellectuelles.
Parce c’est une maladie dominante, chaque génération d’une famille sera touchée. Et à chaque génération, les symptômes peuvent être plus sévères que ceux de la génération précédente.
Un traitement ciblé potentiel
Comme tant d’autres maladies rares, les thérapies disponibles visent à atténuer les symptômes de la maladie. Mais des études en cours à l’Unité de recherche clinique du Neuro (URC) testent des traitements avec le potentiel de changer le cours de la maladie.
« C’est très excitant. Jusqu’à récemment, nous n’avons rien qui puisse améliorer votre déglutition, ou soulager vos difficultés respiratoires ou vos arythmies cardiaques. Nous ne pouvions pas réparer ces choses. C’est la première fois que nous pourrions disposer d’un traitement qui cible spécifiquement le problème génétique au cœur de la dystrophie myotonique de type 1, » continue la Dre O’Ferrall.
Dans la dystrophie myotonique de type 1 (DM1), il y a une accumulation d’ARN messager dans les cellules qui est trop importante et que le corps ne réussit pas à éliminer efficacement, ce qui embourbe le système et cause ces symptômes progressifs.
Supprimer l’ARN défectueux
« Cette nouvelle molécule a été développée spécifiquement pour la DM1. C’est un traitement d’interférence par ARN, conjugué avec un anticorps pour l’aider à pénétrer dans les cellules. Ainsi, le traitement peut se rendre dans les muscles, où il interrompt les effets dommageables des gènes défectueux. Il agit aussi pour supprimer l’accumulation existante d’ARN défectueux, » explique la Dre O’Ferrall.
S’il est approuvé, ce serait la première fois que nous avons un traitement qui pourrait améliorer les symptômes de la maladie, plutôt que de seulement traiter les symptômes sans affecter la progression de la maladie. Bien qu’il soit encore à l’étude, les essais cliniques précédents ont été très prometteurs.
« De nombreux patients se sont déconnectés de leur spécialiste parce que nous n’avions rien à leur proposer. J’encourage les individus atteints de DM1 à reprendre contact avec leur neurologue parce que plusieurs nouvelles thérapies sont à l’horizon, » conclut-elle.
Pour en savoir plus sur les essais en cours à l’URC, visitez cru.mcgill.ca/fr/nm-2, ou contactez le 514-398-5500 ou info-neuro.cru@mcgill.ca.