Un bond en avant pour les maladies rares

Des traitements ciblés pour la myasthénie grave offrent enfin de nouvelles options aux personnes atteintes de cette maladie neuromusculaire

par Sophie Lorenzo
28 février, 2022

Par définition, une maladie rare ne touche qu’un petit nombre de personnes. Sa rareté signifie que les personnes qui en sont atteinte se retrouvent en quête de ressources tout aussi rares : la recherche et l’expertise peuvent être difficiles à trouver et dispersées à travers le pays. Les traitements qui pourraient aider à ralentir la progression des symptômes sont limités; les équipes de soins de santé ont tendance à se concentrer sur la gestion des symptômes qui affectent la vie quotidienne.

Mais alors que ces conditions peuvent être rares, le fardeau collectif de la maladie ne l’est pas. Selon l’Organisation canadienne des maladies rares (CORD), un Canadien sur 12 souffre d’une maladie rare. Ces 3 millions de personnes et leurs familles font face à un pronostic débilitant qui a de graves répercussions sur leur avenir. Et parmi ces maladies rares, on compte les maladies neurologiques, dont plusieurs sont plus courantes au Canada qu’ailleurs dans le monde.

Rendre les maladies rares traitables

L’un des défis des maladies rares est que l’on en sait peu sur les mécanismes à l’origine de la maladie. De plus, les biomarqueurs pertinents n’ont peut-être pas encore été identifiés pour aider à faciliter le diagnostic précoce et la prédiction des résultats cliniques. En conséquence, la recherche clinique doit explorer différentes voies d’action potentielles dans l’espoir de trouver celle qui a le plus d’impact.

« Si on regarde les traitements contre le cancer, il a fallu plusieurs décennies pour comprendre les mécanismes de la maladie. De nombreuses recherches ont été consacrées au développement d’une nouvelle génération de médicaments qui ont radicalement transformé le domaine du traitement du cancer. Et nous constatons enfin le même succès dans le traitement des maladies neuromusculaires rares », explique la Dre Angela Genge, directrice exécutive de l’Unité de recherche clinique (URC) du Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal).

La mission de l’URC est de rendre toutes les maladies neurologiques et rares traitables. Les maladies neuromusculaires représentent près de 20 % de tous les essais cliniques à l’URC — l’un des plus grands centres de recherche en neurologie au Canada qui mène plus de 110 essais cliniques chaque année. Une large liste d’essais permet aux patients d’avoir accès à des traitements expérimentaux pendant leur développement, souvent lorsqu’il n’existe aucun autre traitement pour gérer leur maladie.

Spécialisation neuromusculaire

Un domaine d’intérêt important pour l’URC a été de trouver de meilleures options de traitement pour la myasthénie grave (MG), une maladie neuromusculaire auto-immune débilitante qui entraîne une perte de la fonction musculaire et une faiblesse importante. Dans la myasthénie grave, une réponse auto-immune anormale entraîne une diminution du nombre de récepteurs de l’acétylcholine. Cela provoque à son tour une défaillance de la transmission nerveuse au niveau de certaines jonctions neuromusculaires, c’est-à-dire au niveau de la connexion entre les cellules nerveuses et les muscles qu’elles contrôlent. En bout de ligne, le cerveau et les muscles ne peuvent plus communiquer, entraînant une perte de fonction musculaire et une grave faiblesse.

Les personnes atteintes de myasthénie grave peuvent d’abord ressentir des symptômes légers tels que des troubles de l’élocution, des paupières tombantes, une vision double et un manque d’équilibre, et évoluer vers des symptômes plus graves tels que l’étouffement, une fatigue extrême et même des épisodes d’insuffisance respiratoire. La maladie peut survenir à tout âge, mais débute le plus souvent chez les femmes avant 40 ans et chez les hommes après 60 ans.

Changement d’orientation dans les traitements

Certaines personnes atteintes de myasthénie grave ne répondent pas bien aux traitements disponibles, qui impliquent généralement la suppression à long terme du système immunitaire. Jusqu’en 2017, il n’y avait eu aucun nouveau médicament pour traiter la maladie en près de 60 ans.

« Cette maladie rare est difficile à diagnostiquer et est traitée depuis des décennies par une thérapie immunosuppressive générale. Enfin, au cours des deux dernières années, nous avons un certain nombre de nouvelles thérapies beaucoup plus précises. Cela marque un véritable changement dans les options de traitement », déclare la Dre Genge.

L’URC a participé à une série d’essais cliniques sur la myasthénie grave, étudiant des traitements ciblant des aspects spécifiques de la réponse immunitaire. L’une de ces voies se concentre sur le récepteur néonatal Fc (FcRn). Le traitement bloque ce récepteur, réduisant à son tour les anticorps nocifs de l’acétylcholine qui provoquent les symptômes de la myasthénie grave. Le Vyvgart (efgartigimod), qui a reçu l’approbation de la FDA fin 2021, et le rozanolixizumab qui a affiché des résultats positifs de phase III, utilisent cette approche.

Une autre voie qui s’est révélée prometteuse s’est concentrée sur l’inhibition de la cascade du complément, un groupe de protéines impliquées dans l’activation des cellules immunitaires productrices d’anticorps. Lorsqu’elle est activée de manière incontrôlée, la cascade du complément répond de manière démesurée, conduisant le corps à attaquer ses propres cellules saines. Deux médicaments étudiés à l’URC utilisent cette voie : l’Ultomiris (ravulizumab) qui a été approuvé par la FDA ; et le zilucoplan qui a publié des résultats positifs de son essai de phase III et sera envoyé pour soumission réglementaire plus tard cette année.

« Enfin, les maladies rares reçoivent l’attention dont elles ont besoin de la part des sociétés biotechnologiques et pharmaceutiques. Ces nouvelles options réduiront considérablement le fardeau du traitement pour les patients, tout en permettant à ceux qui ne tiraient auparavant que des avantages modérés de l’ancienne thérapie d’avoir une amélioration beaucoup plus substantielle de la gestion de leur maladie au point d’avoir des symptômes minimes », conclut la Dre Genge

Par  Sophie Lorenzo
26 février, 2022

Selon la Société Alzheimer du Canada, près de 40 % des personnes de plus de 65 ans souffrent d’une forme quelconque de perte de mémoire, connue sous le nom de trouble de la mémoire lié à l’âge. Les conseils d’experts indiquent que nous devons rester actifs mentalement pour éviter un déclin cognitif et une éventuelle démence. Mais comment savons-nous ce qui fonctionne vraiment pour garder un cerveau agile et vif d’esprit?

« Dans ma clinique, je vois des patients qui ont des problèmes de mémoire et ils sont inquiets. Ils me disent qu’ils font des mots croisés tous les jours ; mais on sait maintenant que les mots croisés ne servent pas à grand-chose », explique le Dr Étienne de Villers-Sidani, neurologue spécialisé en troubles cognitifs au Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal). « Afin de montrer des avantages, nous avons besoin d’un type d’entraînement qui implique nos sens, qui implique notre attention et qui devient de plus en plus difficile avec le temps. »

Déjouer le cerveau

Le Dr de Villers-Sidani est le chercheur principal de l’étude INHANCE qui se déroule à l’Unité de recherche clinique du Neuro. Cette étude examine l’impact d’un programme d’entraînement cérébral informatisé conçu par Posit Science à l’Université de Californie à San Francisco qui espère montrer une amélioration de la santé neurologique en ciblant un entraînement de l’agilité et la vivacité mentale. L’étude examinera non seulement les résultats des participants sur les mesures cognitives standardisées, mais évaluera également leur niveau d’acétylcholine, une substance chimique produite dans le cerveau lorsque nous nous concentrons.

« En vieillissant, les substances chimiques du cerveau qui sont importantes pour l’attention et la plasticité cérébrale — c’est-à-dire la capacité du cerveau à changer — ont tendance à diminuer naturellement. Et ce processus s’accélère dans un certain nombre de troubles neurodégénératifs, comme la maladie d’Alzheimer », explique le Dr de Villers-Sidani.

Des mesures précises

En 2017, l’Association Alzheimer a publié les résultats d’une étude sur 10 ans aux États-Unis qui a révélé qu’un entraînement cérébral informatisé individualisé réduisait l’incidence de développer la maladie d’Alzheimer de près de 30 %. L’étude INHANCE vise à aller plus loin, en examinant si ce type d’entraînement cérébral peut réellement modifier la chimie du cerveau de manière fondamentale.

« Il n’y a pas de données à ce sujet. Ce que nous essayons de faire avec cette étude en mesurant l’acétylcholine, c’est de démontrer que le cerveau peut réguler positivement et augmenter sa production de ce produit chimique très important pour le bon fonctionnement du cerveau », explique le Dr de Villers-Sidani.

Posit Science a reçu un financement des National Institutes of Health aux États-Unis pour l’étude INHANCE et a engagé l’Unité de recherche clinique du Neuro pour mener l’essai. Le Neuro est bien connu pour son unité de tomographie par émission de positrons (TEP), une technologie émergente pour l’évaluation clinique de nombreux processus pathologiques.

Puissance par positrons

« Le Neuro est l’un des seuls endroits au monde équipé pour mesurer les niveaux d’acétylcholine dans le cerveau. Le ligand — une molécule qui se lie à une protéine réceptrice — qui est utilisé dans l’imagerie a été développé pour la première fois en collaboration avec l’unité TEP du Neuro. Il n’a été utilisé que dans une poignée d’autres endroits dans le monde », ajoute le Dr de Villers-Sidani.

L’essai INHANCE recherche des participants en bonne santé âgés de plus de 65 ans qui utiliseraient ce programme d’entraînement cérébral quotidien 30 minutes par jour à la maison pendant plusieurs semaines. Les données anonymes de l’étude seront également disponibles dans LORIS, une plateforme d’imagerie scientifique ouverte au Neuro qui permettra aux chercheurs du monde entier de demander l’accès pour poursuivre leurs recherches.

Le Dr de Villers-Sidani espère que cet entraînement pour l’agilité et la vivacité mentale pourra faire une réelle différence. « Si les résultats de l’étude sont positifs, cela pourrait avoir un impact sur la gestion clinique assez rapidement, car ce logiciel existe déjà. »

 

Pour participer à un essai pour la myasthénie grave, contactez l’équipe neuromusculaire.